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Labo Adcost-elliadd

Journée de Séminaire - Jeudi 28 février 2013

 - Organisé conjointement par OUN et ADCoST
 - Le 28 février 2013, à partir de 14H - salle de réunion de la MSHE.

1) Toni Ramoneda (ADCoST), sur la question de l'Espace Public Européen et de l'utopie européenne : "L’Europe est-elle une transgression politique?"
2) Alexandre Coutant (OUN), à la suite d'une très belle publication dans la collection Les essentiels d'Hermès, CNRS éditions : Internet et politique (2012), sur les rapports entre Espace public et Internet
3) Antoine Moreau (OUN) Titre : "L'internet des biens commun entre idéologie et dogmatique".

Arguments :

1) Antoine MOREAU, MCF, équipe OUN d'ELLIADD


Titre : L'internet des biens communs entre idéologie et dogmatique.

    L'espace numérique que propose l'internet implique des choix qui vont décider des pratiques ommunes. Normé par des protocoles techniques précis, l'internet est, de fait, une gouvernance. Nous nous proposons d'observer les faits du matériau numérique et du transport réticulaire pour dégager une direction politique en distinguant ce qui est d'ordre idéologique et ce qui procède d'une dogmatique.

2) Alexandre Coutant, MCF, équipe OUN d'ELLIADD

Titre: Internet et politique (à l'occasion de la parution de l'essentiel d'Hermès, éditions du CNRS, 2012)

    Quels sont les liens entre Internet et politique? L'ouvrage coordoinné par Alexandre Coutant s'intéresse à deux aspects. Le premier concerne l'impact d'Internet sur la vie politique:favorise-t-il la participation des citoyens, peut-il instaurer une démocratie plus directe ? Le deuxième porte sur la régulation d'Internet, qui constitue un enjeu politique majeur pour les démocraties.

3) Toni RAMONEDA,chercheur associé, équipe ADCOST d'ELLIADD 

Titre : L’Europe est-elle une transgression politique?

     L’Union européenne présente la particularité pour les recherches en communication d’être l’expression politique d’un pari pragmatique selon lequel la construction d’institutions communes devait finir par produire des formes d’appartenance politique. Ce pari fondateur, qu’il soit réussi ou pas, nous place directement face à une réalité institutionnelle (Searle) dont l’existence est une affaire de rationalité discursive (Habermas) et nous autorise à revisiter la notion d’espace public tel qu’elle a été utilisée par la philosophie politique depuis les travaux d’Hannah Arendt. Le public, dirons-nous, est le produit et le producteur des institutions politiques communes et l’Espace Public n’est pas le lieu de l’indistinction, mais l’espace discursif dans lequel peuvent se reconnaître les paroles énoncées par chacun des membres de ce public.

     La rationalité discursive agirait alors comme une forme de transgression de la confrontation politique dans une Union Européenne  géographiquement et politiquement indéfinie devenue un lieu pour la rencontre et la discussion entre les États membres, un lieu d’expression de leurs intérêts divergents, un lieu de négociations et un lieu où l’accord agit comme principe décisionnaire majeur. Un lieu, en somme, où le politique serait passé de l’opposition à l’accord, de l’expression des différences à la reconnaissance des intérêts communs, du débat public à la construction invisible de territoires politiques, de l’indistinction au consensus.

     Mais le pari pragmatique fondateur n’a pas été sans conséquences réelles. L’institution européenne existe aussi réellement et elle prend la forme d’une réalité visible et ressentie par les citoyens qui y habitent. L’opacité du territoire politique devient visible dans les arènes de la politique et les accords, les intérêts et les négociations entre États sont autant de formes signifiantes porteuses de discours. C’est à ce type de discours que je m’intéresse afin de comprendre dans quelle mesure ils donnent raison au pari pragmatique des pères fondateurs et peuvent, par leur transgression du politique, donner naissance à une autre forme d’action collective sans pour autant tomber dans une idéologie de la communication.

     Cette analyse discursive s’appuie dès lors sur une tradition critique visant à faire émerger les formes de signification faisant état de discours idéologiques. Dans le cas de l’Union Européenne, de cette idéologie de la communication qui aurait tendance à confondre accord et consensus et qui stigmatiserait comme irrationnelles les formes de confrontation politique non-consensuelles. L’analyse des discours institutionnels se pose alors comme un exercice visant à proposer un autre discours pour l’Europe et à construire, de ce fait, un espace de paroles européennes. Si cela s’avère possible, c’est-à-dire, si l’on peut envisager l’énonciation de l’Europe elle-même par l’ensemble des citoyens qui l’habitent, nous approchons d’une expérience politique capable de faire de l’institution européenne un espace proprement transgressif : « l’espace d’une expérience où le sujet qui parle au lieu de s’exprimer, s’expose, va à la rencontre de sa propre finitude et sous chaque mot se trouve renvoyé à sa propre mort »1.

     Cet espace, dont l’existence expliquerait aussi l’émergence et la force des contre-discours européens, est un lieu dont l’absence de limites nous expose à nos propres limites mais ce faisant nous rend également une souveraineté différente de celle portée par la modernité. Une souveraineté difficile à assumer parce que liée à notre expérience individuelle, mais porteuse d’un engagement collectif nouveau et proprement démocratique : renvoyés à nous mêmes, nous ne pouvons que nous tourner vers l’autre.    La transgression européenne se retrouve dans cette expérience de la finitude à laquelle elle nous expose par sa propre indéfinition et l’exigence de liberté qui s’en suit. Une liberté réelle, au-delà des discours consensuels et en deçà de l’expérience individuelle isolée. Une liberté par la parole.

     C’est donc en partant de ce cadre normatif que je propose d’interroger le discours d’Europe. Plus précisément, je suis en train de réaliser des entretiens avec des personnalités politiques liées à l’Europe et au Parti Socialiste afin d’articuler leur parole, leur discours et leur engagement politique avec cette réalité institutionnelle en construction (ou en transgression) à laquelle je m’étais intéressé à partir des discours médiatiques lors de mon travail de thèse2. Il s’agit, en dernière instance, d’identifier les motivations, les raisons et les désirs d’Europe contenus dans ces discours institutionnels.              

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1 FOUCAULT, M: Préface à la transgression in Dits et écrits, 1963 (p.277)
2 « La formation d’un Espace Public européen : les élections européennes de 2004 dans les journaux espagnols et français. Une approche communicationnelle de l’Espace Public » (octobre 2007)